Le P+R de LLN : des raisons pour douter, des alternatives à inventer



LE PARKING RELAIS DE LOUVAIN-LA-NEUVE
Des raisons pour douter, des alternatives à inventer

En février 2013, des habitants de LLN ont introduit, au nom d’Urbaverkoi, un recours contre le permis unique accordé par la Région wallonne en Juillet 2012 pour la construction d’un parking relais (P+R) de la SNCB. Voici pourquoi.

Le P+R : un coût exorbitant, un pari risqué et prématuré
La Région wallonne est prête à débourser 70 millions d’euros pour la construction du parking relais de LLN et de ses accès routiers, soit 25.000 euros la place de parking dans l’hypothèse, la moins probable, d’un remplissage à 100%. Aujourd’hui déjà, de sérieux doutes sont formulés, y compris à l’urbanisme de la ville, quant à l’attractivité de ce parking, des doutes alimentés par le caractère superficiel de l’étude complémentaire de mobilité réalisée par la SNCB il y a un an.  Que dire alors de la re-convertibilité de ce parking de 5 étages de béton enterrés lorsque, à l’horizon 2050, les paramètres de la mobilité auront changé. Une évolution récente suscite encore notre inquiétude : la mise en service sans cesse reportée du RER signifie que ce P+R resterait peu fréquenté pendant plusieurs années. De quoi s’interroger sur la priorité de cet investissement. Belle friche en perspective ? Pourquoi prendre ce risque alors que des alternatives existent.

Le P+R… plus de voitures et plus de bouchons
L'objectif affirmé du parking relais est de désengorger la E411 en heure de pointe en direction et en provenance de BXL.  En sera-t-il vraiment ainsi?  La tendance « naturelle » du tout à la voiture particulière nous fait penser que cet impact sera dérisoire.  D’ici 10 ans en effet,  le développement de nouvelles entreprises (AGC Glass, CBTC), d’équipements collectifs (Apogia, Hôpital, Salle de spectacle), de commerces et de zones d’habitat (Athena) vont plus que doubler l’affluence quotidienne de travailleurs, de clients et d’usagers divers dans le centre et la petite ceinture de LLN.  Nous constatons que les promoteurs de chacun de ces projets dimensionnent d’emblée leurs parkings (plus de 3.500 au total) en misant tout sur la voiture particulière comme principal mode d’accès à la périphérie. Ce simple constat nous permet déjà de prévoir un engorgement de la E411 à proximité de LLN en heure de pointe. La présence du P+R va-t-elle pallier ces embarras de circulation ? Cela est peu probable car les véhicules qu’il va drainer vont encombrer davantage les échangeurs proches de LLN. De plus, le risque existe que la SNCB prenne prétexte du P+R pour supprimer des arrêts ou des fréquences de trains en amont d’Ottignies (Chastre, Mont-Saint-Guibert, Court-Saint-Etienne) obligeant des usagers actuels du train à prendre la voiture. En réalité, parking relais et parking tout court, boostés par la proximité des autoroutes, produisent des effets similaires : plus de circulation automobile, plus de bouchons, plus de km parcourus. Transformer LLN en aspirateur de voitures n’est pas un choix durable. Le risque climatique et l’épuisement des ressources fossiles nous invitent, au contraire, à développer l’accessibilité du centre et de la périphérie de LLN par les modes doux et des transports en commun.

Le P+R intra-muros, un poison pour les habitants.
Selon la dernière étude de mobilité de la SNCB, les usagers du Parking relais viendront des alentours proches de LLN: Grez-Doiceau, Chaumont-Gistoux, Mont-Saint-Guibert, Chastre et Court-Saint-Etienne. Le parking relais, situé à proximité immédiate du centre urbain, serait accessible directement depuis la E411 et par le Bvd. de Wallonie via l'anneau central. Ce dispositif d'accès, que la SNCB et d'autres acteurs justifient par la nécessité impérieuse de capter les automobilistes au plus près de la gare RER, aura un impact néfaste pour les habitants de LLN: congestion automobile de l'anneau central, dégradation de la qualité de l'air, nuisances sonores, sans oublier les travaux de chantier et la destruction du paysage de la Baraque par le creusement d'une tranchée d'accès autoroutier à ciel ouvert. De plus, le caractère payant de ce P+R aura pour effet d’aggraver le parking sauvage dans les quartiers d’habitat riverains de la gare.  Nous sommes d’avis que tout nouveau projet d’urbanisme devrait améliorer la qualité de vie des habitants plutôt que d’y porter atteinte.

Le P+R intra-muros, un urbanisme à courte vue
Au problème des nuisances s’ajoute un doute quant à la prise en compte de l’intérêt public. En effet, le concept et la localisation du P+R ainsi que son dimensionnement font obstacle à  l’ inter-modalité train-bus. La gare des bus est maintenue à 400m des quais de la gare ferroviaire, une incohérence pour une gare de cette importance. Pourquoi le piéton, usager du TEC, devrait-il se farcir cette distance qualifiée de « dissuasive » pour l'automobiliste ? Ignorons-nous que les personnes âgées et les allocataires modestes sont parmi les usagers « privilégiés » des transports en commun? Faute d’avoir prévu de dispositif multimodal bien intégré dès le départ, le projet de P+R réduit la marge de manœuvre future d’un urbanisme au service de la collectivité. Cet aménagement s’inscrit en cela dans la lignée prédatrice de l’Esplanade qui priva les habitants de LLN de leur Place de l’Accueil et de son Kiss and Ride au pied de la gare. Cette logique déjà dénoncée il y a dix ans se répercute aujourd’hui dans le casse-tête que représente la liaison piétonne entre la Place de l’Université et le lotissement « Courbe Voie ».

La gare de Louvain-la-neuve, un atout inestimable
A maintes reprises, à titre individuel ou collectif, les sympathisants d’Urbaverkoi ont subi des pressions morales pour les décourager ou les culpabiliser dans leur action. L’argument classique fut d’affirmer : « Sans P+R, point de RER à LLN ! ». Ce slogan simpliste et fallacieux a même fait l’objet d’une pétition adressée aux autorités communales. Or, le P+R n’a pas d’impact sur la fonction de LLN comme terminus de la ligne RER. En effet, l’avantage de notre gare ferroviaire sera de permettre aux rames RER de faire demi-tour vers BXL sans interférer avec le trafic IC de la ligne 161. Il est donc fort peu probable que la SNCB renonce à cet atout. Elle y perdrait une partie du bénéfice escompté du RER et s’amputerait en outre d’une clientèle figurant, après Ottignies, au second rang de la gare la plus fréquentée sur ladite ligne 161.  La gare de LLN est donc encore promise à un bel avenir. Ce qui sera déterminant pour les usagers, c’est surtout l’offre : ponctualité, régularité, cadence des navettes et confort. C’est là que nous attendons la SNCB et c’est là que nous partageons son exigence de disposer d’un potentiel suffisant de voyageurs lui permettant d’offrir le service attendu.

LLN, objectif + 2000 navetteurs journaliers sur le rail sans P+R
La gare de LLN est la 2ème du Brabant wallon et la 7ème de Wallonie avec 6300 voyageurs (embarquements) par jour ouvrable, principalement des étudiants. Le parking relais, avec un taux de remplissage raisonnable de 75%, pourrait en capter 2000 supplémentaires. Le principal intérêt du P+R serait donc d’augmenter de 30%  la fréquentation de la gare et ainsi  de « rentabiliser » le RER. Le P+R privilégie la logique HUB, celle qui projette de capter les navetteurs motorisés habitant la région proche pour les acheminer vers la capitale. Sans contester cet apport potentiel, nous pensons que ce gain modeste pourrait être aisément égalé en stimulant le mouvement inverse, celui qui achemine vers LLN des travailleurs (parc scientifique) et d’autres usagers (hôpital, écoles, université, commerce). Quel paradoxe, par exemple, que le parc scientifique de LLN, situé dans un rayon de 1-3 km de la gare SNCB, ne soit pas mieux desservi, ni fréquenté, par des TEC ou des modes doux. Plus de 90% des 3500 employés actuels du Parc scientifique (6000 dans 10 ans) empruntent la voiture pour se rendre sur leur lieu  de travail. Permettre l’accès facile de la périphérie aux usagers des transports en commun et des modes doux prend acte du développement rapide de LLN comme nouveau pôle d’activité économique et d’emploi. C’est dans ce cadre-là que le service RER pourra développer son meilleur potentiel.

Densification de l’habitat à proximité de la gare SNCB
Urbaverkoi partage la politique régionale de densification autour des points d’offre de transports en commun et ne s’oppose donc pas à l’urbanisation du couloir qui relie l’Esplanade à la N4 et au-delà. Cependant, cette densité doit rester raisonnable eu égard à celle des quartiers riverains.  De plus, ce développement devrait privilégier une urbanisation soucieuse de respecter le paysage et d’en valoriser les contraintes, une conception qui a fait l’originalité du campus universitaire et la qualité de vie de ses habitants. Il convient d’y intégrer 2 urgences nouvelles : assurer un logement accessible aux familles et aux étudiants, relever le défi d’un développement durable : économie d’énergie, préserver et valoriser l’eau, protéger la santé de chacun.

Il n’est pas trop tard pour étudier les alternatives
Nous pensons que les pistes visant à valoriser le rail devraient être plus légères, moins coûteuses et plus durables que le P+R intramuros actuellement projeté: meilleure desserte TEC vers l’hinterland, valoriser les parkings existants, mutualiser les navettes de rabattement, encourager le covoiturage et la mobilité douce vers la périphérie de LLN par des axes mieux inscrits dans le tissu urbain. Il conviendrait aussi d’imbriquer la gare TEC à la gare SNCB, un dispositif qui n’a pas été envisagé dans l'étude d’incidence réalisé par la SNCB.
Autre alternative, la délocalisation extra-muros du parking relais. Si la SNCB, pour assurer une meilleure rentabilité du RER, ne peut pas faire l’impasse d’un P+R, pourquoi ne pas le construire entre la N4 et la E411?  Pour rappel, cette localisation avait été dûment recommandée par le Plan Communal de Mobilité (PCM 2003) passé à la trappe sans autre explication. Evidemment, cela « obligerait » les navetteurs à faire une trotte de 5 minutes à pied, une distance que les promoteurs du P+R intramuros estiment dissuasive.  Nous affirmons, par contre, que ce cheminement pédestre est salutaire et peut, si le parcours est convivial, s’avérer très agréable. Localiser un P+R extra-muros ou plusieurs parkings malins en bordure de la rocade aurait d’autres avantages. Un dimensionnement plus modeste et une construction modulable semi-aérienne permettraient une économie de moyens et une convertibilité du bâti si nécessaire. Ce parking pourrait encore être valorisé par d’autres usagers de la « zone EST » en soirée et le w-e. Bien d’autres alternatives ont été évoquées telle la navette automatique gratuite entre LLN et Ottignies ou encore le prolongement de la voie ferrée au-delà de la N4. Nous invitons les esprits inventifs motivés par ces alternatives à nous faire part de leurs idées et suggestions que nous publierons sur ce blog.
Le recours d’Urbaverkoi contre le permis, accordé par la Région Wallonne au P+R, a pour soucis de mieux étudier sa raison d’être, son dimensionnement, sa localisation et ses impacts. Les différentes alternatives devraient être envisagées sur base des impératifs de l’austérité budgétaire, du développement durable et de la qualité de vie des habitants de Louvain-la-neuve.
Cordialement,
Le collectif Urbaverkoi