Priorités pour un service RER performant à Louvain-la-Neuve – PPI 2013-2025

Lettre de Urbaverkoi au Ministre Henry, 3 juillet 2013



Objet : Priorités pour un service RER performant à Louvain-la-Neuve – PPI 2013-2025


Monsieur le Ministre de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire et de la Mobilité,

Le Gouvernement wallon est sur le point, dans un contexte d'austérité budgétaire, de réaliser la synthèse du plan ferroviaire 2013-2025 qui déterminera les grandes priorités du rail de notre région. En tant qu'habitants de Louvain-la-Neuve concernés par les lourds investissements régionaux affectés aux infrastructures du terminal RER de la cité universitaire, nous nous permettons de vous adresser quelques observations qui visent à remettre l'intérêt du service public au centre de ce débat complexe sur la mobilité dans le Brabant wallon.

Quatre permis (P.U. et d'urbanisme) viennent d'être délivrés par la Région dans ce dossier connexe au terminus RER: le Parking relais et le rallongement des quais de la gare (SNCB), les accès Région interviendrait pour près de 80 Millions € dans la réalisation de ces infrastructures.

Les faiblesses techniques que nous soulevons dans ce grand chantier dont l'objectif affirmé est d'améliorer le service public de mobilité à la périphérie de la capitale sont les suivantes:

            1. La capacité réduite de réception des rames RER dans la gare existante de LLN
            2. L'intermodalité SNCB-TEC inadéquate.

Nous pensons que si ce vaste chantier se réalisait dans sa configuration actuelle, il hypothèquera le bon fonctionnement du RER au départ de LLN. Voici notre raisonnement.

1.    La capacité réduite de réception des rames RER dans la gare existante de LLN

Le rapport intitulé "Le transport ferroviaire, un atout structurant pour la Wallonie" réalisé par TRITEL en 2011 à la demande de la Région, met en évidence les carences de la gare de LLN dans la perspective de la mise en service du RER:

« Dans sa configuration actuelle, il (le terminus en impasse de Louvain-la-Neuve) sera vraisemblablement à saturation à la mise en service du RER (cfr. Étude de capacité du RER). Une configuration avec une arrière-gare, solution généralement adoptée dans les réseaux de métro, augmenterait la capacité de réception et permettrait de réaliser les manœuvres derrière la gare sans en perturber les départs. Cette solution est préconisée à Louvain-la-Neuve. Les emprises sont disponibles dans le prolongement des voies existantes. Il faudrait également étudier la faisabilité d'une quatrième voie à quai à LLN (....)» Lire la suite P 119.

Concrètement, le rapport TRITEL recommande dans le Projet N° 6  "la réalisation d'une arrière-gare et l'étude d'un quai supplémentaire"  (8 M€) ainsi que " l'implantation d'une liaison de contre-voie pour faciliter les mouvements de matériel roulant entre LLN et le poste d'entretien d'Ottignies." (1 M€).

Dans les conclusions de ce rapport TRITEL (p 132), ce projet N° 6 figure parmi les 10 projets les plus pertinents --"quick wins"- en termes de coût/bénéfice. Précisons que l'objectif de ce projet modeste permettrait d'augmenter les cadences en heure de pointe au départ de la gare de LLN.
 Il s'agit donc d'un projet qui aurait un impact déterminant sur la qualité du service RER sur la ligne 161.

Nous nous étonnons dès lors que ce projet N° 6 n'ait pas été envisagé, ni dans les 4 permis postérieurs accordés par la RW pour la construction des infrastructures annexes au RER à LLN, ni dans le PPI 2013-2025 de la SNCB. En effet, le Parking relais SNCB est en passe d'être construit sans prévoir la réalisation future de l'arrière-gare TRITEL alors que l'emprise et les déblaiements de sol le permettraient dans le cadre des chantiers pressentis.

L'option entérinée par la Région comporte une hypothèque supplémentaire pour le futur du service RER sur la ligne 161: l'emprise de l'arrière-gare a été mobilisée pour réaliser une voirie en surface, en l’occurrence la Rue de la Flèche qui constitue une annexe fonctionnelle au projet immobilier de la S.A. Courbevoie.

Monsieur le Ministre, nous estimons que ces contradictions entre, d'une part, les recommandations de TRITEL dont le mérite fut de mettre le service public de mobilité au centre de ses critères d'efficience et, d'autre part, les dispositifs mis en œuvre concrètement dans les 4 permis récemment octroyés par la Région wallonne, enfreignent le principe de bonne gouvernance en matière d'aménagement du territoire. La disproportion est manifeste entre les investissements à consentir (près de 80 M€) par la Région pour la réalisation d'infrastructures lourdes en faveur, au moins partiellement, d’intérêts privés et ceux, modestes (9 M€) qui pourraient contribuer à un service RER performant au bénéfice de la collectivité.

Si la Région wallonne reconnaît la pertinence du Projet N°6 de TRITEL en ce qu’il garantira de bonnes cadences au RER 161 en heure de pointe, il convient qu’elle mette tout en oeuvre pour que ces aménagements soient réalisés à l’occasion des permis délivrés et qu’ils soient priorisés dans le PPI que le fédéral est sur le point d’adopter.

2.    Une intermodalité SNCB-TEC inadéquate

Le projet de Parking relais SNCB de LLN dont le Permis Unique fut octroyé par la Région en juillet 2012 souffre d'une intermodalité inadéquate sur le plan des transports en commun.

En effet, la gare des bus TEC est maintenue à son emplacement actuel, à 450m des quais de la gare SNCB. Seules 6 des 17 lignes TEC qui desservent LLN feront arrêt « à proximité » du futur terminus RER de Louvain-la-Neuve. A notre connaissance, cette situation aurait peu de chance de s'améliorer dans la mesure où le seul espace pertinent pour l’aménagement d'une nouvelle gare TEC a été attribué à un promoteur immobilier et que l'emprise du P+R lui-même réduit la marge future pour relocaliser cet équipement collectif vital.

Nous pensons que l'intermodalité SNCB-TEC est un objectif d'utilité publique prioritaire et cet objectif figure également dans les lignes de force de la politique wallonne en matière de mobilité.
La 7ème gare de Wallonie ne doit pas échapper à cette règle de bon sens. Pour réduire l'usage de la voiture particulière (VP), il faut améliorer le service des transports en commun et leur intermodalité.

Le projet de P+R de LLN privilégie à grands frais le report modal VP-RER et sacrifie l'intermodalité TEC-RER. Il encourage l'usage de la voiture particulière comme moyen d'accès au centre urbain dans la mesure même où il hypothèque l'investissement vertueux d'une plate-forme multimodale cohérente. Le développement pressenti de la petite ceinture de LLN s'inscrit dans la même logique: + de 7000 places de parking supplémentaires sont déjà planifiées dans un rayon de 800m autour de la gare SNCB. Cette évolution est contraire aux recommandations des Plans wallon, provincial et communal (2003) de mobilité.

Monsieur le Ministre, nous vous demandons de tout mettre en oeuvre pour que les investissements consentis par la Région wallonne contribuent à favoriser le transport public de façon cohérente et intégrée. L'option d'un Parking relais SNCB tel que planifié à Louvain-la-Neuve est, à ce titre, déficiente. L'Etude d'Incidence Environnementale n'a pas approfondi les dispositifs alternatifs garants d'une bonne valorisation du RER. A notre avis, ce dossier n'est donc pas mûr pour être intégré dans le planning des investissements régionaux de 2013.

CONCLUSION

Nous demandons au Conseil des Ministres de surseoir à la décision de prioriser les investissements pressentis pour la réalisation du Parking relais SNCB de Louvain-la-Neuve et de ses accès autoroutiers (SPW) car ils comportent des vices de conception qui seront difficilement réparables.
Ces vices de conception se résument, d'une part, à l'inadéquation de la gare actuelle de LLN à sa fonction future de terminus RER (rapport TRITEL) et, d'autre part, à la non-conformité du dispositif intermodal aux prescriptions des Plans wallon, provincial et communal de Mobilité dans le domaine des transports en commun. Par ailleurs, ces infrastructures ne sont pas prioritaires vu le report de la finalisation du RER qui aura pour effet une sous-utilisation du P+R pendant plusieurs années alors même que la surcapacité du parking relais SNCB a été pointé par plusieurs institutions (CWEDD) et associations (IEW) de renom.

Nous demandons aussi au Conseil de répercuter nos préoccupations vers le pouvoir fédéral qui statuera bientôt sur le PPI 2013-2025 de la SNCB, en particulier dans sa compétence d'exiger que la priorité N°6 du rapport TRITEL 2011 soit effective sous peine de nuire au service RER futur sur la ligne 161.

Merci de nous avoir donné ici l'occasion d'exprimer nos remarques et souhaits relatifs aux transports en commun au sein de notre Région.

Cordialement,
 
le collectif Urbaverkoi

Santé et qualité de l’air, suite…

Depuis l’article publié sur ce blog l’année dernière, les recherches à propos de l’impact de la pollution de l’air sur la santé continuent à s’accumuler.

Alors qu’ils n’étaient que 123 en 1988, 1371 articles ont été publiés en 2012 dans la littérature scientifique sur le lien entre qualité de l’air et santé (Pubmed). Cette contribution se propose de refaire le point à ce sujet.

Parmi les diverses pollutions auxquelles nous sommes exposés, c’est celle dont nous sommes le moins conscients, la pollution de l’air, qui est la plus néfaste. Elle a été reconnue pour la première fois comme un des principaux facteurs de risques pour la santé dans l’étude « 2010 Global Burden of Diseae », publiée en 2013 dans la sérieuse revue médicale, le « Lancet ».

On pourrait relativiser cette constatation du fait de l’augmentation continue de l’espérance de vie dans nos pays « développés ». En effet, l’espérance de vie à 65 ans a augmenté de 1 an entre 2005 et 2010 en Europe, actuellement autour de 20 ans en moyenne (données Eurostat). 
Cependant,
  • l’espérance de vie sans handicap n’a pas été modifiée, et au contraire durant cette période le temps perçu en bonne santé a diminué de 0,5 à 1 an en fonction du sexe.
  • l’incidence de plusieurs maladies augmente depuis 20-30 ans :

-les cancers, de 1 à 2% chaque année entre 1980 et 2005 (Institut National du Cancer, France).
-les troubles du développement du cerveau, comme par exemple l’autisme ou le trouble de l’attention avec hyperactivité
-l’asthme et le diabète chez l’enfant.  

L’amélioration des moyens diagnostiques ne semble pas expliquer à elle seule l’augmentation de l’incidence de ces maladies. Des facteurs environnementaux seraient donc en cause, et parmi ceux-ci la pollution atmosphérique.

En mai 2013, l’agence européenne pour l’environnement a publié un rapport reprenant les principales données concernant l’impact de la pollution sur la santé. Un chapitre est consacré à la pollution de l’air extérieur. Nous recommandons vivement la lecture de ce rapport aux décideurs impliqués dans les projets de nouvelles infrastructures routières. Comme déjà souligné dans ce blog, ce sont les particules fines qui sont identifiées comme les plus toxiques, ensuite viennent l’ozone et l’oxyde d’azote. Une des principales sources de particules fines en milieu urbain sont les émissions de moteurs diesels, reconnues cancérigènes par l’OMS en juin 2012.

Pour rappel, une corrélation a été établie entre concentration de particules fines (principalement la fraction « PM2,5 ») et :
-mortalité prématurée, nombre d’hospitalisations
-maladies respiratoires (cancer, bronchite chronique)
-maladies cardiovasculaires : infarctus du myocarde et accidents vasculaires cérébraux
-fausses couches, naissance prématurée, petit poids de naissance
Dans notre région, la concentration annuelle moyenne de PM2,5 reste supérieure aux normes proposées par l’OMS (10 µg/m³). De plus, cette concentration augmente à proximité du trafic automobile.

Par ailleurs, toute une série de publications ont étudié la fréquence de diverses maladies en lien avec la proximité du trafic automobile. Elles ont constaté que les personnes les plus fragiles, enfants, personnes âgées et femmes enceintes sont touchées en priorité:
-augmentation des nouveaux cas d’asthme (Perez 2012 : à Los Angeles 8% des cas d’asthme sont attribuables à la localisation à moins de 75m d’une route majeure) et de diabète (Thiering 2013 : la proximité d’une route majeure augmente la résistance à l’insuline de 7,2% par 500 m) chez l’enfant
-augmentation de la mortalité après AVC (Wilker 2013 : les patients vivant à 100 m ou moins d’une route fréquentée ont un taux de mortalité supérieur de 20% par rapport aux patients vivant à plus de 400 m)
-troubles cognitifs chez les personnes âgées
(Wellenius 2013 : les participants à l’étude résidant à moins de 100 m d’une route majeure avaient une plus mauvaise performance aux tests de mémoire)
-troubles du développement cérébral : autisme (Volk 2011 et 2013, résultats confirmé par Roberts 2013 : le risque d’autisme était de 2 fois supérieur pour les enfants issus de mères habitant à moins de 309 m d’une autoroute durant leur grossesse, ou durant la première année de vie), troubles de l’attention chez l’enfant (Calderon-Garciduenas 2011, Perea 2012)

La pollution de l’air d’origine automobile est un processus à « polluants multiples ». Dans ces études de proximité avec le trafic, le ou les facteurs toxiques responsables de ces répercussions sur la santé ne peuvent être identifiés avec exactitude parmi les dizaines de candidats identifiés.

Ainsi, l’impact sur la santé de nouvelles infrastructures routières ne peut actuellement pas être quantifié précisément. Cependant, la recherche scientifique a clairement montré que cet impact existe. Dans le même temps, la législation européenne, belge ou régionale ne s’est pas adaptée à ces nouvelles données.

Plusieurs interventions ont été menées, notamment à Londres et Stockholm, afin de réduire la pollution de l’air d’origine automobile, avec pour résultat des bénéfices en terme de santé publique, par diminution de la mortalité/morbidité cardiovasculaire et respiratoire (Henschel 2012).

Le projet de « captation » de milliers de voitures chaque jour en provenance de l’autoroute  E411 pour les orienter vers un parking démesuré à l’intérieur même d’une agglomération a un coût financier immédiat, déjà discuté dans d’autres articles de ce blog, mais aussi un coût en matière de santé publique. Ce coût devrait être pris en compte par nos décideurs politiques.

Références

Perez L, Lurmann F, Wilson J, Pastor M, Brandt SJ, Künzli N, McConnell R. Near-roadway pollution and childhood asthma: implications for developing "win-win" compact urban development and clean vehicle strategies. Environ Health Perspect. 2012 Nov;120(11):1619-26.

Thiering E, Cyrys J, Kratzsch J, Meisinger C, Hoffmann B, Berdel D, von Berg A, Koletzko S, Bauer CP, Heinrich J. Long-term exposure to traffic-related air pollution and insulin resistance in children: results from the GINIplus and LISAplus birth cohorts.
Diabetologia. 2013 Aug;56(8):1696-704.

Wilker EH, Mostofsky E, Lue SH, Gold D, Schwartz J, Wellenius GA, Mittleman MA.


Volk HE, Hertz-Picciotto I, Delwiche L, Lurmann F, McConnell R. Residential proximity to freeways and autism in the CHARGE study. Environ Health Perspect. 2011 Jun;119(6):873-7.

Wellenius GA, Boyle LD, Coull BA, Milberg WP, Gryparis A, Schwartz J, Mittleman MA, Lipsitz LA. Residential proximity to nearest major roadway and cognitive function in community-dwelling seniors: results from the MOBILIZE Boston Study. J Am Geriatr Soc. 2012 Nov;60(11):2075-80.

Roberts AL, Lyall K, Hart JE, Laden F, Just AC, Bobb JF, Koenen KC, Ascherio A, Weisskopf MG. Perinatal Air Pollutant Exposures and Autism Spectrum Disorder in the Children of Nurses' Health Study II Participants. Environ Health Perspect. 2013 Jun 18.

Volk HE, Lurmann F, Penfold B, Hertz-Picciotto I, McConnell R. Traffic-related air pollution, particulate matter, and autism. JAMA Psychiatry. 2013 Jan;70(1):71-7.

Calderon-Garciduenas L, Engle R, Mora-Tiscareno A, Styner M, Gomez-Garza
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children. Brain Cogn 2011 ;77: 345–355.


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Henschel S, Atkinson R, Zeka A, Le Tertre A, Analitis A, Katsouyanni K, Chanel O, Pascal M, Forsberg B, Medina S, Goodman PG. Air pollution interventions and their impact on public health. Int J Public Health. 2012 Oct;57(5):757-68.