Une alternative : la « Land Trust Community » ?
Combien de fois n'avons-nous pas entendu des habitants de Louvain-la-Neuve se plaindre que leurs enfants ne pourraient jamais se payer un logement convenable à Louvain-la-Neuve ?
On avait cru, au début de Louvain-la-Neuve, que le système d'emphytéose allait préserver l'habitat de Louvain-la-Neuve de la spéculation immobilière. Il n'en a rien été. Bien sûr, le système d'emphytéose maintient le prix de base du terrain à un niveau indexé et donc raisonnable. Mais le prix réel d'un terrain à Louvain-la-Neuve c'est son équipement par l'Université et le fait qu'il est fort demandé. L'Université a décidé il y a déjà quelques années de s'aligner sur les prix pratiqués dans la Région. Par ailleurs, les constructions sont souvent l'oeuvre de promoteurs qui prennent également leur bénéfice. Enfin, à la revente comme à la location rien n'interdit à personne de prendre également son bénéfice.
Ceci posé, voyons s'il y a une alternative.
Un article dans la Libre Belgique du 25 mai 2010 rapportait l'essai d'un groupe d'associations de Bruxelles pour créer une structure juridique qui permettrait d'offrir à des personnes disposant de revenus modestes des logements à prix modérés et de préserver ces logements de toute spéculation immobilière. Cette structure s'inspire d'une structure créée aux Etats-Unis dans les années 60 : la « Land Trust Community ».
Je suis allé à la rencontre d'un représentant d'une de ces associations, Geert de Pauw, de la Maison de Quartier Bonnevie, ASBL, de la Commune de Molenbeek.[1]
Modeste, Geert de Pauw commence par me dire que rien n'est encore fait. Il y a cependant 20 associations qui ont signé une charte marquant leur volonté d'offrir et de garder du logement à prix modéré pour des personnes à revenus modestes.
Ces associations s'inspirent du mouvement des « Land Trust Communities » qui a émergé dans le Sud des Etats-Unis, dans la mouvance de Martin Luther King et des Droits civiques, quand il a fallu trouver un système pour contrebalancer l'hégémonie des blancs du Sud propriétaires des terres et particulièrement des terrains à construire.
Aujourd'hui, la crise de l'immobilier aux Etats-Unis a encore relancé la vitalité de ces « Communities » qui sont plus de 250 aux Etats-Unis, la plus grande, à Burlington, dans le Vermont, comptant environ 2.000 adhérents.
Cinq éléments clefs caractérisent ces « Communities » :
- La Land Trust Community est et reste propriétaire des terrains.
- Il y a séparation entre la propriété de la terre et celle du bâti. Les habitants ont la propriété du bâti ou, autrement dit, ils ont le « droit d'usage ».
- Les logements sont accessibles à ceux qui ont les revenus les plus bas et cela « pour toujours ». Si quelqu'un décide de vendre, la LTC a le droit de racheter au prix du marché et revend à quelqu'un qui a un revenu « bas ». Celui qui vend ne reçoit qu'1/4 de la plus-value de sa maison.
- On ne peut pas louer sa maison.
- Les LTC sont constituées en ASBL qui aux Etats-Unis portent le nom de « Trusts » (elles pourraient être aussi des coopératives). Ces associations sont constituées pour 1/3 par des représentants élus par les habitants qui ont les maisons sur les terrains de la LCT, pour 1 autre 1/3 par des « voisins », habitants ou associations (en vue d'intégrer l'opération dans le quartier plus large) et pour le dernier 1/3 par les pouvoirs publics.
Pour le moment, le projet des 20 associations est au niveau de la réflexion avec un projet concret. La paroisse d'Anderlecht a mis à disposition des 20 associations un bâtiments situé rue « Verheyden » pour faire une expérience LTC et si cela réussit le bâtiment sera la propriété de la LTC.
Une telle alternative est-elle réalisable à Louvain-la-Neuve ? Il faut y réfléchir et mener cette réflexion avec les pouvoirs publics et l'Université.
L'AH propose, dans les semaines qui viennent, une conférence-débat avec l'une ou l'autre des personnes citées dans cet article en prenant comme point d'application le projet d'aménagement de la Baraque qui nous a été présenté au mois de juin.
Jean-Louis Litt
[1] J'aurais pu également rencontrer Loïc Géronez de Periferia, Thomas Dawance de 123 Logement, Fabrice Adam du Credal ou Nicolas Bernard, Juriste et philosophe, Professeur aux Facultés Saint-Louis et spécialiste des questions de logement.
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