Exit l’arrière-gare, cherchez l’arbitre !


Quelques minutes de retard...
Vous est-il déjà arrivé de presser le pas pour attraper un train en gare de LLN? Haletante, vous arrivez sur le quai et.... ouf, le train est encore là, vous êtes encore à l’heure ! Vous prenez place à bord du Désiro et consultez l’écran de bord pour lire l’heure. Tiens, l’heure de départ est dépassée et le train n’est pas parti. « Ne vous inquiétez pas ! C’est normal, déclare le convoyeur, on attend l’entrée en gare du train en provenance d’Ottignies ». Voilà, profitez-en, vous venez de faire l’expérience unique d’un retard en cascade dû à l’absence d’arrière-gare. (ici) « Oui, Madame, c’est que nous devons emprunter le même aiguillage que le train entrant qui est malheureusement en retard aujourd’hui ». Aie, aie, aie, ça craint... vous risquez de rater la correspondance à Ottignies. Pas grave... vraiment ?

Un projet mûrement réfléchi...
Ce projet d’arrière-gare qui permettrait aux trains de changer de voie derrière la gare plutôt que devant, doit garantir les cadences et la ponctualité attendues des futurs trains RER au départ de LLN. (1) Un enjeu que le gouvernement wallon avait parfaitement compris lorsqu’en novembre 2013 il fut adopté comme « projet d’infrastructure prioritaire ». Seulement, il y avait un hic : un mois plus tard, le 2 décembre 2013, la SNCB lançait le chantier du méga-parking relais RER le long de l’emprise de la future arrière-gare. Et il s’avérait qu’une voirie - la rue de la Flèche - et un parc public prendront place en aplomb de cette arrière-gare avant même que celle-ci ne soit construite. À ce moment-là pourtant tout était encore possible, car Infrabel avait 3 ans devant elle pour déposer la demande de permis et mobiliser un budget somme toute très modeste.

... qui mérite une « pression maximale »
En février 2014, un citoyen interpelle le Conseil communal : « s’il faut une arrière-gare à LLN, c’est maintenant ou jamais ! » L’association des habitants lui emboîte le pas tandis que cent cinquante riverains, inquiets de voir les chantiers s’éterniser, adressent un courrier au Ministre P. Henry lui demandant une planification cohérente. Le 19 mai 2014, le Ministre leur répond : « qu’il est important de maintenir une pression maximale, d’une part sur les autorités fédérales ayant la tutelle sur la SNCB et, d’autre part, sur la SNCB elle-même, afin de voir réaliser ce projet d’arrière-gare dans les meilleurs délais » (2). Ausssitôt dit, aussitôt fait: les citoyens ne se font pas prier et s'adressent aux autorités compétentes.

Nos élus locaux s’émeuvent un peu... si peu
À son tour, la commune d’OLLN prend le relais. Notre bourgmestre, Jean-Luc Roland déclare à la presse que « si l’arrière-gare doit se faire, il est logique qu’elle se fasse avant le reste. » Mais le reste est déjà en chantier... l’excavation du parking RER va bon train. Lors du Conseil communal du 27 mai 2014, David da Camara, échevin de la mobilité, fait un vibrant plaidoyer pour une meilleure desserte ferroviaire de LLN. Il s’inquiète du nouveau plan de transport 2015-2017 et demande à la SNCB « d’envisager rapidement le projet d’arrière gare (étude Tritel 2012) à Louvain-la-Neuve retenu par le Gouvernement wallon parmi 35 projets afin d’en minimiser les coûts de construction, de ne pas hypothéquer de futures liaisons et de faciliter la circulation des trains autour de la gare de Louvain-la-Neuve pour permettre des cadences de 4 à 6 trains par heure » (3). Deux ans plus tard, aucun arbitrage n’a eu lieu et le dossier n’a pas avancé d’un pouce. À se demander si cet émoi des édiles locaux n’était pas davantage dicté par l’opportunité électorale que par « la pression maximale » demandée par leur Ministre de tutelle. On s’attendait à mieux de la part de nos élus écolos en matière de mobilité durable.

Et l'UCL de sonner la fin de la "récré"...
Malgré les déclarations écrites d’INFRABEL favorable à l’arrière-gare (4), l’INESU monte une fois de plus au créneau au nom du rail belge pour marteler exactement le contraire : « tant INFRABEL que la SNCB disent qu’il n’y a pas besoin d’arrière-gare. Elle permettrait de faire changer les trains de quai, mais elle n’est utile que si on dépasse 6 trains à l’heure. Ce qui ne sera pas le cas. » (5) Et de revoir les ambitions du RER à la baisse : « Le véritable enjeu, c’est décembre 2017 avec le nouveau plan de la SNCB. L’objectif minimal à atteindre pour rendre le parking attractif sera d’avoir trois trains par heure, dont deux sans rupture de charge à Ottignies. » On croit rêver : « 3 trains par heure »... mais c’est ce que nous avons déjà ! « dont 2 sans rupture de charge »... alors qu’on vient de nous en enlever un sur deux en semaine et deux sur deux le weekend ! Beau succès en perspective pour le RER et le parking relais SNCB : avec deux trains RER par heure vers BXL, le navetteur de la E411 sera plus vite rendu à la capitale en voiture malgré les bouchons. Bref, un aveu on ne peut plus clair d'un parking relais SNCB surdimensionnė au regard de la future offre RER.

Mais alors... à quoi il sert ce P+R ?
Le méga parking relais fera-il triste mine pour autant ? Peu probable tant la demande de parking va exploser avec l’Esplanade 2 en point de mire. L’argent du contribuable aura donc financé un « projet d’intérêt public » destiné aux chalands d’un mall commercial tandis qu’à l’autre bout du rail le RER est en rade faute de budget. Tout cela cache mal le véritable enjeu de la construction du parking-relais SNCB : servir de fondation à un nouveau complexe immobilier de haut standing à LLN : un nouveau morceau de ville pourvu de 600 logements de luxe à deux pas d’une Esplanade en pleine extension. Et tant pis pour l’usager des transports en commun auquel on avait promis monts et merveilles.

Et quid sur le terrain ?
Les pelles mécaniques et les camions-bennes s’affairent à combler la tranchée qui devait servir de silo à l’arrière-gare. Tout est à présent bien dammé (photo) pour aménager la Rue de la Flèche. Autant dire qu’on enterre définitivement le projet d’arrière-gare. Quelques centaines de mètres plus bas, un autre projet retient désormais toute l’attention des « amis de LLN » : l’extension de l’Esplanade, un petit mall de deux hectares supplémentaires en partie situé en surplomb de la gare. Là aussi, il est légitime de se poser quelques questions : est-il bien raisonnable de construire un centre commercial au droit d’une gare RER sachant que l’essentiel des chalands viennent y faire leurs courses en voiture ? Pour remplir les trains RER, il faut miser sur les travailleurs, les étudiants et les habitants-navetteurs du site et des environs plutôt que sur les clients motorisés d’un méga-mall. Il convient encore d'aménager la gare TEC au pied de la gare RER. Et s’il faut couvrir la gare, mieux vaut y faire des bureaux ou prévoir la mixité des fonctions. Seulement voilà, ici encore l’histoire se répète : il y a un an déjà, la ville a accordé à la hâte un permis socio-économique à la société Klépierre pour l’extension de L’Esplanade. Bref, le RER ressemble de plus en plus à un cadeau empoisonné. Sur le quai No. 1, un navetteur s’impatiente dans son Désiro flambant neuf... il vient de rater sa correspondance en gare d’Ottignies. Et l’arbitre court toujours !

Meilleurs vœux 2016

RÉF :

(4) mail Infrabel 20 mai 2014.
(5) L’avenir, 8 octobre 2015 : entretiens avec P. Barras, directeur de l’Inesu

Il y a des cheminées dans l'air...

Passées aux oubliettes les cheminées du Park and Ride RER de Louvain-la-Neuve ? Apparemment non, car le promoteur immobilier du futur quartier Courbevoie étudie la question. Et si le projet se réalise, l'air en bordure du Bvd de Wallonie sera-t-il plus respirable pour les riverains d'aujourd'hui et de demain? Urbaverkoi attend les résultats de l'étude technique.

Une bouffée d'air frais dans un ciel de plomb
Au terme de plusieurs entretiens portant sur le point précis du futur lotissement Courbevoie, le collectif Urbaverkoi et les promoteurs n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur leurs attentes respectives. Le collectif demandait des réformes structurelles au projet immobilier: réduction de la hauteur du bâti côté Lauzelle ; écoquartier digne de ce nom, articulation harmonieuse avec le centre-ville et maintien de la qualité de l'air (cliquez iciici et ici). De leur côté, les "Jardins de Courbevoie" et la SA. Besix espéraient le retrait de tous les recours introduits par notre collectif au Conseil d'État depuis 2012, en ce compris le recours contre le parking relais de la SNCB. En compensation, ils nous proposèrent, en mai 2015, la construction de cheminées verticales destinées à évacuer en hauteur les gaz d'échappement du Park and Ride. Ils se rangeraient en cela à l'avis du pouvoir communal qui, au terme de l'enquête publique du P+R, avait proposé ces cheminées en lieu et place du rejet, actuellement prévu, des polluants à même le Bvd. de Wallonie(1). Les promoteurs semblent donc eux-mêmes s'inquiéter de l'air vicié émanant du futur parking RER et dont pâtiront les riverains actuels mais aussi les futurs habitants de Courbevoie le long du Bvd de Wallonie.

La qualité de l'air, un combat d'arrière-garde?
Depuis cette annonce, notre collectif est soumis à rude épreuve car le promoteur  affirme étudier la faisabilité technique de ces cheminées, nous expose le dispositif et nous promet les résultats de l'étude, le tout évidemment si et seulement si... Urbaverkoi s'engage à retirer tous ses recours. Pour nous, l'essentiel est que les cheminées se fassent s'il s'avère qu'elles améliorent effectivement la qualité de l'air des riverains. D'autant que le budget est disponible et que la SNCB, toujours selon le promoteur, se dit disposée à participer à l'opération. Par conséquent, nous estimons qu'il est de la responsabilité des "Jardins de Courbevoie" de rendre publiques les conclusions de l'étude technique sur ces cheminées verticales, et ce, avant d'introduire la demande du premier permis d'urbanisme. En tout état de cause, il faudra trouver une solution pour rassurer les riverains exposés, d'autant qu'il est déjà question d'utiliser le P+R à d'autres fins que le stationnement des navetteurs SNCB. Urbaverkoi attend donc aussi de la Ville d'Olln qu'elle reste vigilante et ferme sur les conditions qu'elle avait elle-même imposées en matière de qualité de l'air.


Quel avenir pour notre cité?
Malgré les apparences et les justifications initiales, le parking relais SNCB -financé par les deniers publics- n'est pas la solution miracle en vue d'une mobilité plus durable. À peine achevé, son surdimensionnement est déjà reconnu par les autorités communales et académiques(2). En effet, la saturation automobile des accès à LLN en heure de pointe et l'inadéquation de la gare Sncb à assurer des cadences RER soutenues vont dissuader les navetteurs à fréquenter le P+R.
La tentation, pour la Sncb, sera grande ensuite de louer les parkings à d'autres usagers, notamment aux clients du centre commercial, ce qui aura pour effet de booster davantage le trafic automobile dans et autour de LLN.

Comme pour d'autres investissements prestigieux, se pose la question de savoir si le RER répondra aux objectifs de service public attendus: réduire le trafic autoroutier en assurant aux navetteurs les cadences et la ponctualité voulues. En tant que citoyens, nous continuons de penser que la Sncb a vu trop grand, poussée en cela par le propriétaire des lieux, le promoteur immobilier et des politiciens éblouis par le prestige factice de leur région. L'UCL et la Ville d'OLLN auraient-elles choisi de transformer LLN en pôle régional de consumérisme autoroutier et d'un immobilier de haut standing? Ce modèle de développement ne répond ni aux aspirations des habitants de la cité universitaire, ni aux défis des crises énergétique et climatique.  Nous préférons plaider pour la mixité sociale de LLN, pour une urbanisation légère et créative et une mobilité douce et collective. Et nous osons rêver un monde plus humble, plus réfléchi et plus humain.

le collectif Urbaverkoi

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(1)   Pour rappel, la demande initiale de réaliser ces cheminées verticales a été formulée par le Collège communal d'OLLN. Elle figure dans les clauses n° 4 et 21 de son avis favorable à la construction du P+R, avis rendu le 16 juin 2011. Lors de l'enquête publique relative au P+R et, ultérieurement, dans leur recours au Ministre P. Henry, nous avons soutenu ce dispositif qui émanait d'une contre-proposition émise par Mr. Patigny, Professeur émérite de l'UCL. Si le Collège communal a jugé bon de se ranger à l'avis de cet expert, on peut supposer qu'il l'ait fait par principe de précaution. Et les requérants sont toujours d'avis que cette demande procède d'un souci de santé publique, en particulier à l'égard des riverains du Bvd. de Wallonie parmi lesquels figurent les futurs habitants du quartier Courbevoie eux-mêmes.
(2) Avenir 8 octobre 2016 "Vivre en Brabant wallon"